Faute de trouver un moyen de muscler son secteur de l’intelligence artificielle (IA), l’Europe risque de se retrouver marginalisée par les États-Unis et la Chine, a martelé Stéphane Richard, le pdg d’Orange, à Bruxelles dans le cadre de l’édition européenne des GSMA Mobile 360 Series.

Dans un discours franc et direct, Stéphane Richard a expliqué que de nombreux gouvernements ont pris conscience des possibilités offertes par l’IA et ont commencé à agir. Mais il a ajouté qu’il fallait être « réaliste » et que la bagarre n’implique vraiment aujourd’hui que les deux superpuissances.

« La grande question est de savoir où est l’Europe. Quelle est notre feuille de route, quelle est la capacité de l’Europe et sa volonté de prendre part à cette course d’une incroyable importance ?, a demandé M.Richard. Parce que nous transformons le monde pour les prochaines décennies. »

Stéphane Richard a noté que le total des investissements européens actuels dans l’IA est six fois inférieur à celui des États-Unis et trois fois inférieur à celui de l’Asie. Il a également observé que les États-Unis, en particulier, ont plus de chances d’émerger comme leader mondial car ils abritent déjà les plus puissantes sociétés du monde numérique, comme Amazon et Google. C’est également le pays qui consacre le plus d’études à l’IA, appuyées sur un vivier de 800 000 spécialistes.

Le pdg d’Orange a signalé par ailleurs que si Google et Amazon dominaient déjà le marché des hauts parleurs intelligents, Orange, en partenariat avec Deutsche Telekom, s’apprêtait à lancer son propre produits « pour ne pas laisser tout l’espace à nos amis américains ».

Pression chinoise
« Parallèlement, la Chine s’est fixé pour objectif de dépasser les États-Unis en 2025 et de dominer le marché mondial de l’IA en 2030, a continué M.Richard. Dans les documents officiels venant de Beijing, il est également important de noter qu’il n’est pas fait mention de l’Europe et qu’il s’agit donc clairement d’une bataille entre la Chine et les États-Unis. »

Stéphane Richard a précisé que ces deux marchés profitent d’une régulation favorable, « peu contraignante en termes de protection de la vie privée et des données personnelles des clients ». 93 % des clients chinois sont prêts à partager leurs données de localisation, a noté M.Richard, contre moins de 50 % en Europe.

Pour donner du muscle à l’IA européenne, ou au moins lui permettre de se joindre à la conversation, Richard a listé six points sur lesquels il est possible d’agir : régulation, données, 5G, qualification, problèmes éthiques et fragmentation.

Sur le dernier point, M.Richard a souligné qu’il existe 27 régulateurs et autorités anti-trusts en Europe.

En comparaison, le nombre d’opérateurs mobiles pourrait passer de trois à deux en Chine, et de quatre à trois aux États-Unis si la fusion entre T-Mobile US et Sprint va à son terme.

« Nous, opérateurs, essayons désespérément de remédier à la fragmentation et c’est une faiblesse. La consolidation reste un problème douloureux qui risque de durer longtemps », a-t-il conclu.