Londres a finalement décidé d’interdire fin 2020 l’utilisation d’équipements 5G signés Huawei, les opérateurs ayant jusqu’en 2027 pour se débarrasser des éléments déjà installés. La mesure, admet le gouvernement britannique, risque d’entraîner deux à trois ans de retards dans le déploiement de la nouvelle technologie et de coûter jusqu’à 2 milliards de livres.

Cette nouvelle politique, incarnée dans une nouvelle loi sur la sécurité des télécoms, reste encore à voter par le parlement mais devrait passer sans problème, vu la marge dont dispose le gouvernement au Parlement.

La décision de Londres marque un revirement par rapport à celle annoncée en janvier, qui permettait aux opérateurs de faire appel à Huawei dans une proportion de 35 % au sein de leurs RANs 5G, excluant toutefois les cœurs de réseaux.

Cette première politique a été cependant révisée suite au durcissement des sanctions américaines portant sur la chaîne d’approvisionnement d’Huawei.

Lors de l’annonce de la nouvelle politique à la Chambre des Communes, Oliver Dowden, le secrétaire d’État britannique au numérique, à la culture, aux médias et au sport, a expliqué que « ces décisions n’ont pas été prises à la légère » et admis qu’elles allaient « retarder notre déploiement de la 5G ».

BT et Vodafone ont déjà mis en garde la semaine dernière sur le fait qu’il faudrait 5 à 7 ans pour retirer tout l’équipement Huawei sans interruption de service.

Les dernières mesures gouvernementales ne visent que les équipements 5G. Oliver Dowden a cependant précisé qu’une enquête technique était prévue pour évaluer les technologies plus anciennes et la fibre.

Réactions
Réagissant à l’annonce des mesures, un porte-parole d’Huawei a expliqué que le dossier de l’équipementier au Royaume-Uni a été clairement politisé, la décision étant plus liée à la politique commerciale des États-Unis qu’à la sécurité.

« (Ces mesures) menacent de rejeter la Grande-Bretagne sur la voie lente, de renchérir les factures et de creuser encore la fracture numérique, a continué le porte-parole d’Huawei. Au lieu de tirer tout le monde vers le haut, le gouvernement nivelle par le bas, et nous le dépêchons de réviser son opinion. Nous restons confiants sur le fait que les nouvelles restrictions américaines ne vont pas affecter la résilience ou les exigences de sécurité attendues des produits que nous livrons au Royaume-Uni. »

« Nous allons mener un examen détaillé pour savoir ce que les annonces d’aujourd’hui signifient pour nos activités ici et nous allons travailler avec le gouvernement britannique pour expliquer comment nous pouvons continuer à contribuer à une Grande-Bretagne mieux connectée », a encore ajouté le porte-parole.

Ericsson, principal concurrent d’Huawei, n’a pas attendu pour se présenter comme une alternative viable capable de ramener le déploiement de la 5G dans les délais prévus par le calendrier originel.

Dans un communiqué, Arun Bansal, président de la division Europe-Amérique Latine de l’équipementier, a expliqué que son groupe « dispose de la technologie, de l’expérience et de la chaîne d’approvisionnement » nécessaires pour aider à créer « un réseau 5G de toute premier rang mondial pour le peuple, les entreprises et l’économie du Royaume-Uni ».

Ericsson est « prêt à travailler avec les opérateurs britanniques pour réaliser leur calendrier de déploiement sans perturbations pour leurs clients », a ajouté M.Bansal, notant que la décision du gouvernement a le mérite « d’écarter les incertitudes qui ralentissaient les décisions d’investissements » liées au déploiement de la 5G au Royaume-Uni.

Revirement
Le changement de cap opéré par Londres intervient à la suite d’un réexamen du dossier par les autorités responsables de la sécurité à la lumière des nouvelles sanctions de Washington et de pressions exercées par des politiciens tant américains que britanniques, qui mènent une campagne de longue date contre Huawei.

Quelques heures avant l’annonce officielle du gouvernement, Huawei a annoncé la démission du patron des activités au Royaume-Uni, John Browne. Dans un communiqué, l’équipementier a rendu hommage à son cadre sur le départ, notant son rôle central en vingt ans d’engagement d’Huawei outre-Manche.