Les pdg de Deutsche Telekom et Orange ont chacun réclamé que l’Europe réduise ses cadres réglementaires afin que l’industrie puisse avoir une chance de réaliser les objectifs relatifs à la numérisation et la 5G fixés par la Commission Européenne (CE).

Dans le cadre d’une rencontre organisée par l’European Telecommunications Network Operator’s Association (ETNO) et le Financial Times sur l’état de l’industrie, le pdg de Deutsche Telekom Tim Hottges a mis en garde : sans « nouvelle donne », les opérateurs européens seront incapables de stopper le déclin entamé il y a 20 ans et « n’auront pas la force de réaliser les investissements dont parle la CE. »

Poussant dans le même sens, le pdg d’Orange, Stéphane Richard, a expliqué que la régulation européenne est une contrainte pour les opérateurs du Vieux Continent, à la différence de ce qu’on peut observer aux États-Unis.

« Il y a une différence très basique entre les États-Unis et l’Europe. Ici, la régulation est destinée à promouvoir l’investissement. Là bas, le cadre est destiné à promouvoir l’investissement profitable – c’est tout. Et c’est une différence politique très lourde de conséquences. »

Les commentaires de Tim Hottges et Stéphane Richard suivaient une présentation de Mariya Gabriel, commissaire de la CE pour l’économie et la société numériques, vantant le travail déjà réalisé sur le marché numérique unique et soulignant le besoin d’investissements supplémentaires pour tenir le rythme face à la concurrence internationale.

« Le reste du monde va plus vite. Certains pays veulent prendre la tête et ils ne nous attendront pas, comme l’illustrent les essais de 5G qui ont lieu aux États-Unis, et aussi en Australie et en Asie. Nous risquons de nous retrouver à la traîne », a expliqué Mariya Gabriel.

La commissaire a ajouté que la priorité de la CE en matière d’investissement était « d’inverser la tendance qui a caractérisé l’Europe depuis de trop nombreuses années et de rattraper les actuels pays leaders. » Mme Gabriel a estimé qu’un investissement de 500 milliards d’euros était nécessaire dans les réseaux à haute capacité.

Pertes quotidiennes
En réponse à l’intervention de Mariya Gabriel, Tim Hottges a cité des chiffres récents de l’ETNO indiquant que l’industrie des télécoms européenne perd 100 millions d’euros par jour à cause des « perturbateurs » numériques aux États-Unis et en Asie.

« L’environnement de régulation a été un désavantage pour les entreprises européennes et les investisseurs votent avec leurs pieds », a-t-il regretté, pointant les différences vis-à-vis des activités de T-Mobile outre-Atlantique et en Europe.

« Aux États-Unis, nos clients adorent le service de streaming Binge On, et nos clients en Allemagne adorent son équivalent, StreamOn. Comment se fait-il donc que ce dernier fasse l’objet d’une enquête de la part des régulateurs ? Même jeu, même règles. »

Le pdg allemand a également demandé pourquoi les données collectées par les apps mobiles sont « moins régulées que les données récupérées par nos stations de base ? »

Tim Hottges a ajouté que les nouvelles règles en cours d’adoption par les autorités européennes, en particulier les réformes sur le respect de la vie privée et le spectre, risquaient de « punir, et non de récompenser » l’investissement.

Internet des poissons
Stéphane Richard a pointé du doigt quant à lui les règles touchant à la couverture universelle, s’interrogeant pour savoir les opérateurs ne devraient pas plutôt se focaliser sur des projets économiquement viables.

« Est-ce que c’est bien utiliser l’argent public et privé que d’installer des antennes dans des endroits où vous n’aurez que des vaches, des moutons et quelques touristes, mais pas vraiment de besoins économiques ?, a-t-il demandé. Est-ce bien utiliser l’argent que de lancer des satellites pour couvrir les océans et réaliser l’internet des poissons ? A un moment donné, nous devons voir la réalité économique en termes de besoins réels des humains, pas ceux des montagnes ou des forêts. »