Les directeurs technologiques d’Orange émettent des doutes sur le fait que les opérateurs de télécoms aient réellement besoins de grands modèles de langage (large language models, ou LLM) pour administrer leurs réseaux. Bruno Zerbib, directeur exécutif et directeur technologie et innovation du groupe, réitère en particulier ses appels pour que l’industrie prenne ses distances avec les paradigmes générationnels.

Invité à une table ronde organisée à Londres, Bruno Zerbib a été rejoint par Laurent Leboucher, directeur technique d’Orange et vice-président senior réseaux au sein d’Orange Innovation, qui a expliqué les raisons pour lesquelles le groupe n’a pas rejoint la Global Telco AI Alliance (GTAA).

La GTAA a été lancée officiellement au MWC24 de Barcelone. Emmenée par des géants comme e&, Singtel, SK Telecom, SoftBank Corp et Deutsche Telekom, l’initiative vise à aider aux développement des LLM au sein des telcos.

Laurent Leboucher a assuré qu’Orange observe de près les travaux en cours et pourrait s’y associer dans le futur, mais que pour l’heure l’opérateur français n’est pas convaincu qu’il existe un réel besoin de LLM.

« Nous expérimentons l’utilisation de LLM – sous la forme de grands modèles génériques comme Gemini et OpenAI – pour certains cas d’utilisation sur la partie réseau. Nous ne sommes pas encore convaincus que nous avons besoin d’un LLM spécifique même pour les opérations liées aux réseaux », a précisé Laurent Leboucher.

Bulle Nvidia

Bruno Zerbib a pour sa part confirmé les réserves de son collègue quant au besoin de LLM « spécifiques » pour les telcos, tout en ajoutant qu’intégrer de tels modèles en périphérie des réseaux nécessiterait inévitablement des investissements en GPU.

Tout en reconnaissant que le recours à l’IA puisse aider les opérateurs à investir plus efficacement, Bruno Zerbib a insisté sur le fait que l’adoption de la technologie implique de grosses dépenses en puissance de calcul.

« Nous devons parvenir à un business model qui fasse sens, suggère Bruno Zerbib. Il n’y a pas de scénario dans lequel nous mettons en place ces éléments avant d’être monétisés ou sans les construire en partenariat. »

Le directeur exécutif d’Orange suggère en outre qu’acheter des GPU directement à Nvidia, aujourd’hui une des rares options disponibles, n’est pas forcément la meilleure façon de dépenser de l’argent.

« On ne parle que de Nvidia, continue Bruno Zerbib, bien que je sois certain, à observer ce qui se passe dans la (Silicon NDLR) vallée et à voir tous les hyperscalers investir des sommes énormes, que nous allons assister à l’émergence d’une concurrence formidable qui va faire baisser les prix. Et c’est la raison pour laquelle nous ne voulons pas aujourd’hui dépenser de l’argent pour acheter des GPU. »

Hyperscaling

Le directeur technologie d’Orange avait déclenché un tollé dans l’industrie en décembre 2023 quand il avait affirmé que la 5G serait la « dernière G », et qu’au lieu d’adopter la 6G, Orange pousserait plutôt l’innovation continue dans ses réseaux.

Bruno Zerbib a réitéré ses commentaires, arguant que, du côté logiciel en particulier, la notion de 4G, 5G ou de quoi que ce soit qui vienne dans les cinq prochaines années apparaît « un peu vieillotte ».

« Notre infrastructure toute entière a évolué en faveur d’un ensemble de capacités exprimées à travers une plateforme et des API, a observé Bruno Zerbib. En fait, nous débattons pour savoir si nous devrions ou pas nous comparer aux hyperscalers. »